Depuis une dizaine d'années, les fascias ne cessent de nous fasciner par leur propriétés étonnantes et si ce qu'ils révèlent sur l'unicité de notre corps est révolutionnaire pour la médecine occidentale, il est intéressant de jeter un œil de plus près à des traditions plus anciennes comme la Médecine Traditionnelle Chinoise (MTC) qui avait déjà intégré l'idée que le corps est un tout interconnecté, notamment par le biais du système des méridiens...

La révolution des fascias
En 2018, la communauté scientifique annonce officiellement que le fascia fait son entrée dans la liste des organes humains, en tant que 80e organe.
Cette substance en grande partie gélatineuse -jusque récemment considérée comme une masse inerte de remplissage- forme un continuum tridimensionnel principalement composé de collagène (mais pas que) qui enveloppe, soutient, protège et interpénètre toutes les structures du corps, des organes aux fibres musculaires et ce jusqu’au niveau cellulaire. Une image parlante pour visualiser ce tissu est la membrane blanche et translucide que l'on aperçoit sur la poitrine de poulet.
Il existe plusieurs catégories de fascias, aussi appelé tissu conjonctif, dont la proportion de certains composants, son épaisseur et sa consistance vont varier suivant leur fonction et leur situation géographique dans le corps :
Au niveau macro, on parle de fascia superficiel et profond (glissement de la peau), de fascia interne (espaces entre les organes), de fascias méningés (système nerveux), de fascia viscéral et de fascia intra et intermusculaire. Au niveau microscopique, on parle de Matrice Extra-Cellulaire, MEC [1], qui est « la somme totale de la substance extra-cellulaire dans le tissu conjonctif » (Williams 1995).
En d’autres termes, la MEC, à la fois fibre et fluide, constitue le substrat dans lequel est produit une grande partie de la matière cellulaire constituant notre corps ! Elle est présente dès le stade embryonnaire.
Etant donné son omniprésence, sa riche innervation, sa richesse en vaisseaux sanguins, lymphatiques et en récepteurs hormonaux, on peut dire que le fascia sert de « gardien dans notre corps » [9].
Si cette découverte majeure valide enfin officiellement les attestations de pionniers du milieu de la santé, qui affirmaient pour certains depuis plusieurs décennies déjà (sans doute bien plus si l’on creuse le sujet) que le corps humain était un tout interconnecté plutôt qu’un assemblage d’organes et de tissus indépendants les uns des autres, (Françoise Mézières, 1909-1991, kinésithérapeute inventeuse du concept de chaîne musculaire et de la méthode Mézières – Andrew Taylor Still, 1828-1917, fondateur de l’ostéopathie – Ida Rolf, 1896-1979, biochimiste créatrice du Rolfing – Thomas Myers, né en 1947, thérapeute manuel fondateur de Anatomy Trains, pour n’en citer que quelques-uns), elle invite aussi à considérer avec un respect renouvelé les traditions corporelles plus anciennes comme le yoga, l’ayurveda (nāḍī : idée de canaux énergétiques et de globalité corporelle) et la Médecine Traditionnelle Chinoise (MTC) (qui anticipe en partie avec les méridiens les trajets mis en évidence dans les fascias) qui n’avaient pas attendu l’arrivée du microscope pour comprendre que le corps était unicité et qu’il comprenait des chemins énergétiques garants de notre vitalité.
Nous allons aujourd’hui faire dialoguer système fascial et système des méridiens.
Quelles sont leurs particularités propres, leurs similitudes et quelles bonnes pratiques pouvons nous retirer de chacune de ces visions en tant qu’individus responsables de notre vitalité ?
A la rencontre de vos fascias
Je vous propose ici d’aller directement à la rencontre de vos propres fascias !
Cet exercice est extrait du livre Le corps a ses raisons de Thérèse Bertherat, kinésithérapeute créatrice de l’anti-gymnastique et inspirée entre autres pour ses travaux par Françoise Mézières.
Cet exercice constitue sa première rencontre avec son corps à la faveur d’une séance de thérapie corporelle de groupe.
Debout, pieds parallèles, munissez-vous d’une balle en mousse, de tennis ou d’un rouleau de massage pour les pieds que vous poserez au sol.
Roulez la balle/le rouleau sous votre pied droit, LENTEMENT, comme si cette balle était encrée et devait en recouvrir tout la plante du pied, sous les orteils, les bords.
Une fois terminé, secouez le pied de la jambe qui vous supportait, posez les deux pieds côte à côte.
Ecoutez vos sensations, comment vos pieds reposent-ils sur le sol? Le font-ils de la même façon?
Que ressentez-vous?
Penchez-vous vers le sol sans plier les jambes et laissez pendre vos bras vers le sol.
Qu’observez-vous? Il est fort à parier (si vos mains ne touchent pas déjà toutes les deux le sol) que votre main droite se rapproche plus du sol que la main gauche !
Masser la plante du pied vous a aidé à décontracter fascias (et muscles) plantaires, mais le corps étant un tout, la chaîne des fascias postérieure dans son intégralité s’est détendue !
Faites de même avec le pieds gauche et penchez-vous à nouveau vers le sol. Votre main gauche à rejoint votre main droite !
Par cet exercice, vous venez de « faire fondre » votre chaîne des fascias postérieure par des mots d’amour rondement menés (caresses et patience).
Le fascia système régulateur de santé
Transport de l’énergie et métabolisme cellulaire
L’organisme d’un adulte se trouve dans un état d’équilibre constant. Les éléments du corps sont en permanence détruits, remplacés, induisant un équilibre entre destruction (catabolisme) et construction (anabolisme). L’énergie électro-chimique est l’élément crucial au bon déroulement de ces réactions.
Les sources d’énergie sont fournies par l’alimentation qui constitue le carburant et par l’oxygène (respiration) qui permet d’extraire l’énergie de ce substrat via la respiration cellulaire.
Ces dernières années, des études approfondies ont démontré que la MEC des fascias ‘informe’ les cellules sur leur environnement mécanique et régule leur métabolisme [7][8].
De plus, par ses qualités d’hydratation, elle sert de milieu de diffusion facilitant le transport de l’énergie chimique vers les cellules [7][8].
A une échelle plus macro, le fascia agit comme une véritable interface entre systèmes nerveux, vasculaire, lymphatique, hormonal, assurant une circulation coordonnée de l’énergie au sens large (mécanique, chimique, électrique) [5][9].
Transmission des forces mécaniques
Les chaînes des fascias permettent la transmission des forces mécaniques et intègrent notre squelette dans une structure dite en tenségrité, formidable mécano-structure dans laquelle notre squelette n’est plus un empilement d’os que la gravité tasse comme on l’imaginait jusqu’à présent, mais où celui-ci flotte dans la masse des muscles et des fascias, permettant à la structure de s’auto-maintenir (par le jeu des tensions-compressions) et de s’auto-adapter au forces mécaniques.
Ce principe structurel de biotenségrité sera sûrement l’objet d’un prochain article sur le thème du bon usage de soi.
Sensorialité
Le fascia est l’un des organes sensoriel les plus richement innervés de notre corps, surpassant la peau et même la vision en terme de densité sensorielle. Sa densité nerveuse dépasse dans de nombreux cas largement celle des tissus musculaires adjacents.
Il est le siège de la proprioception (découverte ayant valu le prix Nobel 2021 à Ardem Patapoutian de l’institut de recherche Scripps, en Californie), cette capacité à savoir où se trouve chaque partie de notre corps dans l’espace, sans même y penser. Chaque fois que nous changeons de posture, bougeons, les mécanorécepteurs des fascias se déforment, s’activent envoyant des informations afférentes à la moelle épinière et au cerveau qui les analysent. C’est ainsi que nous pouvons coordonner nos gestes, maintenir notre équilibre, ajuster notre posture et plus globalement « habiter » pleinement notre corps.
Psychisme
Le fascia est en relation directe avec notre système nerveux central et périphérique (méninges).
Nos émotions s’inscrivent directement sur nos fascias qui expriment ainsi physiquement nos émotions. De nombreuses études ont montré que le stress impactait de différentes façons le fascia qui se contracte, se déshydrate et s’épaissit en cas d’exposition chronique.
Inversement, l’état de nos fascias entretient nos humeurs. Un fascia détendu et hydraté favorise un sentiment de sécurité et d’apaisement, un fascia rigidifié diminue l’amplitude des mouvement, favorise la sensation de douleur, ce qui enferme mentalement.
Pathologies
La sédentarité, la mauvaise alimentation, les mauvaises postures répétées, le stress rigidifient les fascias empêchant le bon glissement entre les différentes couches tissulaires, perturbant la transmission des forces, diminuant l’amplitude de mouvement et la proprioception et favorisant l’apparition des douleurs.[3][4][5]
L’esprit et le corps étant reliés, la rigidité des fascias n’impacte pas seulement le corps physique mais aussi le mental, favorisant les biais de pensées négatifs, diminuant l’estime de soi, alimentant un cercle vicieux entre douleurs physiques et mal-être mental.[3][4]
« Puisque nous pensons avec notre cerveau, chaque pensée que nous avons est physique. Il ne peut en être autrement » Le Fascia, un nouveau continent à explorer
De plus, de plus en plus d’études observent l’impact de la rigidité des fascias sur la croissance, la prolifération, la migration, l‘immunité, la transformation maligne et l’apoptose cellulaire. De nouvelles pistes dans la compréhension et a prise en charge du cancer s’ouvrent donc avec la découverte de ce nouveau continent.[6][8]
Préserver la qualité, l’élasticité et une bonne hydratation du fascia est donc primordiale pour que toutes ses fonctions puissent être menées, préservant ainsi notre équilibre psychique et corporel.
La vie n’étant pas un long fleuve tranquille, il n’est pas ici question de se flageoler ni de s’apitoyer sur soi-même ou sur les raisons de nos soucis, le continent des fascias est un terreau fertile et résilient qui demande amour, patience et bon-sens.
Soins du fascia
La bonne nouvelle avec les fascias, et que le travail de ce tissu conjonctif par pressions maintenues en profondeur et par des mouvements spiralés stimulent la production de collagène, réhydratent les fascias qui retrouvent leur capacité de glissement augmentant la proprioception, diminuant la douleur.
En tant que pratiquante de la technique Munz floor, j'ai pu observer sur mon propre corps la puissance libératrice et bienfaisante des mouvements lents et spiralés mais je suis aussi bluffée par les retours d'expérience de personnes souffrant de réelles douleurs chroniques et qui se retrouvent durablement soulagées dès la première exécution des mouvements.
Des études récentes ont même observé l’impact de la diminution de la rigidité des fascias par thérapie manuelle sur la santé mentale d’individus en prise à des dépressions sévères. Les biais de pensées négatives disparaissent au profit des biais de pensées positives, la posture s’améliore, l’estime de soi augmente..[3]
Ces études centrées sur le traitement manuel des tissus attestent que les fascias est le système régulateur de santé et que la catégorisation des thérapies manuelles comme « thérapies passives » n’est plus d‘actualité.
Recevoir du shiatsu ou d’autres thérapies manuelles (fasciathérapie, acupuncture, rouleau de massage, auto-massage), pratiquer des mouvements favorisant la stimulation effective des fascias et la proprioception (Yin yoga, Tai chi, Qi gong, Munz floor, MLC..) sont autant de manières efficaces et prometteuses de traiter des problèmes liés à une rigidité des fascias (soit pléthore de nos maux contemporains).
Pour les plus aventuriers, explorer aussi son propre corps à la maison par des mouvements lents est très bénéfique (Youtube regorge de bonnes chaînes sur le yoga somatique, le yin yoga, l’exploration de notre biotenségrité, et certains ouvrages permettent d’avancer en toute autonomie [10]).
Enfin, la marche à pied, reléguée au troisième plan par l'injonction à la pratique sportive et au gain de temps, constitue non seulement le meilleur moyen pour préserver et stimuler nos fascias, notre circulation sanguine et lymphatique, mais elle peut aussi se transformer en un moment méditatif et contemplatif des plus agréable pour celui qui prête l'oreille (et les yeux) à ce qui l'entoure.
Puisque nous évoquions le shiatsu, penchons-nous maintenant sur le système des méridiens, système sur lequel travaillent les praticiens de shiatsu et les acupuncteurs et qui partage beaucoup de similarités avec le système des fascias.
Les principes de la MTC
Pour la tradition Chinoise, l’énergie (Qi, 気), souffle vital qui conduit la production , la croissance et l’évolution des vivants en opérant toutes les transformations d’adaptation nécessaires à la vie, est caractérisé par une horaire (suivant son origine), une quantité (amplitude, puissance) et une direction (suivant son origine).
Le système des méridiens décrit des canaux énergétiques du corps humain à travers lesquels circule le Qi. Ils ont pour vocation de conduire le Qi dans tout le corps.
Ce jeu des énergies est soumis à 4 grands principes selon la MTC.
Yin/Yang
Toutes choses et phénomènes ont un aspect Yin et un aspect Yang, permettant d’exprimer les oppositions et complémentarités.
Pas de nuit (yin) sans jour (yang), pas de froid (yin) sans chaleur (yang)…
L’été en déclinant après le paroxysme du solstice du 21 juin (yang) laisse progressivement place à l’hiver (yin) puis, l’hiver parvenu à son paroxysme au solstice du 21 décembre (yin) voit peu à peu l’été faire son apparition (yang).[11]
Si vous tendez l’oreille, vous pourrez observer et entendre les prémices du printemps dès le début d’année, un merle chantant à l’aurore, annonçant le début de la saison des batifolages, les bourgeons timides, l’air changeant de ton..
Le maintien de l’homéostasie dans le corps humain est inhérente au maintien d’une relation harmonieuse entre la ‘fonction » (yang) et la « matière » (yin).
Tout ce qui engendre un déséquilibre et susceptible de perturber cette harmonie (alimentation, respiration, mobilité, émotions, environnement, etc).
Superficie/Profondeur
Les énergies innées (Yuan Qi) et les énergies acquises (Zong Qi, respiration et alimentation) sont combinées pour former une énergie globale qui se manifeste sous forme d’énergie « nourricière » (Yin Qi) et énergie « défensive » (Wei Qi).[11]
Les méridiens approvisionnent le corps en énergie via des réseaux situés à la fois en surface et en profondeur, ces réseaux sont aussi reliés entre eux via des chemins plus complexes que les 12 méridiens les plus connus. Ils viennent également s’apposer sur la structure plus profonde et embryonnaire que sont les Merveilleux Vaisseaux, que l’on pourrait résumer comme étant des réservoirs d’énergie permettant une harmonisation plus profonde et plus générale que les 12 méridiens classiques qui ont pour leur part une action plus ciblée et sur lesquels nous resterons focalisés dans cet article. Etant donné l'origine embryonnaire de nos fascias et leur lien avec le SNC (Système Nerveux Central), il me semble qu'il y a matière à découvrir des liens entre ces derniers et les Merveilleux Vaisseaux évoqués ci-dessus et dont les chemins sur les faces antérieures et postérieures de notre corps s'apposent à notre colonne vertébrale.
Se reliant à la peau, aux viscères, aux vaisseaux sanguins et lymphatiques, aux organes sensoriels, les méridiens permettent au corps de former un grand tout fonctionnel et structurel.
Les 12 méridiens principaux sont organisés en 6 couches énergétiques Yin et 6 couches énergétiques Yang parcourant le corps dans sa verticalité.
Les méridiens Yin correspondent aux organes « pleins » : Coeur, Poumons, Rate, Foie, Rein auxquels s’ajoute le Maître Coeur (dont la fonction est d’assurer la transmission des ordres du Cœur) qui n’est pas en rapport direct avec un organe.
Les méridiens Yang correspondent aux organes « creux » : Vessie/Vésicule biliaire/Intestin grêle/Estomac/Gros intestin auxquels s’ajoute le Triple réchauffeur qui lui non plus n’est pas en rapport avec un organe mais représente une fonction.
Comme son nom l'indique, cette entraille est composée de trois parties, les 3 étages du tronc où sont répartis l’ensemble des organes : le réchauffeur supérieur, le réchauffeur moyen et le réchauffeur inférieur (également appelés foyers). Le premier se situe au-dessus du diaphragme et comprend le Coeur et le Poumon. Le réchauffeur moyen, quant à lui, est situé entre le diaphragme et le nombril, il comprend la Rate, l'Estomac, le Foie et la vésicule biliaire. Le dernier se situe entre le nombril et les organes génitaux, il comprend les Reins, le Gros Intestin, l'Intestin Grêle et la Vessie.[11]
Le Triple réchauffeur a des implications importantes sur le psychisme et sur le comportement, il agit également sur le plan émotionnel.
Il existe des divergences au sein des spécialistes de la médecine traditionnelle chinoise concernant la structure anatomique du Triple réchauffeur. Certains affirment que cette entité n'a pas de structure anatomique, mais seulement une fonction physiologique, d'autres affirment qu'elle détient les deux. Encore aujourd'hui, les chercheurs japonais, puis européens, s'interrogent et ont suggéré des hypothèses : le Triple Réchauffeur correspondrait au système nerveux autonome, aux fonctions régulatrices du système hormonal ou encore au réseau d'échange du système lymphatique..
Vide et Plénitude
La quantité d’une énergie circulant dans son méridien peut se trouver en insuffisance (vide) ou en excès (plénitude)
Froid et Chaleur
Un ralentissement de la circulation énergétique peut créer un phénomène de congestion. Inversement, un apport excessif et actif en énergie peut créer un excès de chaleur.
Par exemple, en cas d’obstruction chronique, l’apparition de masses tissulaires peut avoir lieu (kyste, fibrome), et d’un point de vue psychique, des ruminations peuvent survenir.
« Quand le Qi circule, il balaie la maladie » Su Wen
Le rôle du praticien (acupuncture, shiatsu) est de travailler avec le Qi et de veiller à sa bonne circulation dans les méridiens.
Prenant en compte les principes du jeu des énergies (ici succinctement décrits pour des raisons de clarté), et orientant son soin à l‘aide de méthodes de diagnostic (prise de pouls, écoute du hara (ventre), écoute du dos) et d'observation, le praticien shiatsu travaille sur les méridiens par des pressions des pouces, des mains ou encore du coude ainsi que par des étirements.
Le lion et le tigre au même fleuve s’abreuvent
Omniprésence, relai, soutien, chemin énergétique, géographie intérieure avec ses vides et ses pleins, ses montants et ses versants, ses terres arides et ses oasis, le système des fascias et le système des méridiens semblent chacun décrire une même structure merveilleuse, animée par la même fonction, parcourant le corps de manière comparable [12], observée dans des contextes différents et racontée dans des langages différents.
En Occident, nous avons tendance à penser que ce qui n’est pas observé n’est pas observable et n’a pas d’existence propre, mais la découverte des méridiens longtemps ignorés nous a appris qu'inversement, ce qui est observable n’est pas toujours observé. Certaines dispositions d’esprit (que notre héritage judéo-chrétien tient souvent à l’étroit ) sont trop étriquées pour envisager de nouveaux points de vue.
Il nous aura fallu des millénaires et des outils de mesure toujours plus élaborés pour daigner accepter le principe d’unicité et d’harmonie du corps humain, chose communément admise dans les traditions telles que la MTC ou l’ayurveda. Cette observation en dit beaucoup sur notre société pour laquelle l’évidence de l’expérience (et donc du vivant) ne compte pas sans observation matérielle.
Il n'est par ailleurs plus possible de nier le fait que corps et esprit sont reliés, que nombres de nos maux physiques prennent source dans la violence psychologique (par le stress, la transmission des peurs ou des visions étriquées, l'étouffement de nos singularités au nom de la 'normalité'), et qu'inversement, nos modes de vies sédentaires, absurdes et coupés de la nature impactent notre corps puis notre mental.
"C'est dans la tête", cette phrase nourrie par un manque d'empathie et de connaissance évident contient pourtant une part de vérité : Etant unicité, un corps qui souffre est souvent symptôme d'un esprit qui souffre.
Ainsi, le suivi intégré d'un thérapeute manuel et d'un psychologue serait dans beaucoup de cas une très bonne idée.
Si nous pouvons retenir une chose des découvertes sur le fascia, c’est qu’il constitue un intermédiaire entre nous et notre vécu physique et mental, il n’attend qu’à être touché et écouté avec patience, lenteur, nourri, oxygéné.
À une époque absurde où rester assis des heures durant devant un écran d'ordinateur, de téléphone ou de télévision est devenu normalisé, où se balader dans la nature et respirer l’air frais devient une exception vacancière, il est important d’accorder à notre corps des moments de dialogue, de renouer avec celui-ci, de réhydrater nos fascias en lenteur, d’explorer notre mobilité, de bouger, marcher, respirer afin de pouvoir continuer d'être au monde avec vigueur et souplesse (physique et mentale).
Vous l'aurez compris, la comparaison des fascias et des méridiens de la MTC ne sert pas à mettre en avant la médecine occidentale ou la MTC, il s’agit d’une part de mesurer la pertinence du système des méridiens à l’aune de la découverte des fascias et d’autre part d’enrichir notre vision de la santé en intégrant avec bon-sens deux systèmes se complétant à merveille, en tant que praticien ou en tant que personne désireuse d’en apprendre plus sur son corps.
Etant donné le vaste champ d’études que nous fournissent les fascias, ceux-ci seront invoqués dans mes prochains articles (Usage de soi, Vraie force, Vraie souplesse).
Bibliographie
Le Fascia Un nouveau continent à explorer (2), David Lesondak
Le corps a ses raisons, Auto-guérison et anti-gymnastique, Thérèse Berthetrat
[1] Système fascial et interstitium …, Christophe Chiquet, fascias-en-therapies.com,19/07/22
[2] Emotions in Motion : Myofascial interoception, Karger, Vol. 24 (2), 04/17
[3] Michalak, J., Aranmolate, L., Bonn, A. et al. Myofascial Tissue and Depression. Cogn Ther Res 46, 560–572 (2022).
[4] Overmann L, Schleip R, Michalak J. Exploring fascial properties in patients with depression and chronic neck pain: An observational study. Acta Psychol (Amst). 2024 Apr
[5] Shawn M Drake, Amanda Martin, Shelby Lane. The Myofascial System and Mind-Body Connections for Improving Health. On J Complement & Alt Med. 6(1): 2021
[6] Langevin HM, Keely P, Mao J, Hodge LM, Schleip R, Deng G, Hinz B, Swartz MA, de Valois BA, Zick S, Findley T. Connecting (T)issues: How Research in Fascia Biology Can Impact Integrative Oncology. Cancer Res. 2016 Nov
[7] Romani P, Nirchio N, Arboit M, Barbieri V, Tosi A, Michielin F, Shibuya S, Benoist T, Wu D, Hindmarch CCT, Giomo M, Urciuolo A, Giamogante F, Roveri A, Chakravarty P, Montagner M, Calì T, Elvassore N, Archer SL, De Coppi P, Rosato A, Martello G, Dupont S. Mitochondrial fission links ECM mechanotransduction to metabolic redox homeostasis and metastatic chemotherapy resistance. Nat Cell Biol. 2022 Feb;24
[8] Ge H, Tian M, Pei Q, Tan F, Pei H. Extracellular Matrix Stiffness: New Areas Affecting Cell Metabolism. Front Oncol. 2021 Feb 24
[9] Slater AM, Barclay SJ, Granfar RMS, Pratt RL. Fascia as a regulatory system in health and disease. Front Neurol. 2024 Aug
[10] Rajeunir de l’intérieur grâce à la révolution des fascias de Alexandre Munz
[11] Cours théoriques de l’école de shiatsu Manotao
[12] Bai Y, Wang J, Wu JP, Dai JX, Sha O, Tai Wai Yew D, Yuan L, Liang QN. Review of evidence suggesting that the fascia network could be the anatomical basis for acupoints and meridians in the human body. Evid Based Complement Alternat Med. 2011
auteur : Lydie Jorda
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